Atelier Turco, Staffeur ornemaniste

C’est guidé par nos amis Camille et Yui, fondateurs de la boutique Maison Godillot, que nous avons poussé la porte de cet atelier, niché entre les quartiers du Mourillon et du Cap Brun à Toulon. Un trésor caché, connu des seuls initiés.

Une fois passé la petite porte vitrée dont un sticker « Merci de votre visite » vous salue de façon doucement anachronique, le blanc est roi. Le temps s’est figé, pris dans le plâtre qui a tout recouvert d’un voile poudreux, strate après strate, moulage après moulage. Les immenses tables de travail, les éviers profonds, le sol de pierre. Penser que si l’on grattait pour atteindre la couche première, le début de l’histoire, on toucherait du doigt un mélange préparé 137 ans plus tôt. On se sent privilégié, comme invité à fureter dans la réserve d’un musée, ou l’atelier d’un grand sculpteur. Mais les outils rutilants, soigneusement alignés, nous rappellent qu’ici on travaille encore.

Monsieur Turco Père,  jeune homme alerte de 87 ans, feuillette avec nous les registres de l’entreprise fondée par son grand père en 1880. Il les conserve soigneusement dans son bureau, qui tient autant du cabinet de curiosité que du lieu de travail. Les commandes s’égrènent au fil de l’écriture à la plume fine et régulière et l’on suit la saga familiale, depuis Jean-Baptiste, l’aïeul, tout jeune homme venu exposer son savoir-faire à la Galerie du Travail à Paris pour l’Exposition Universelle de 1878, jusqu’à Jean-Baptiste, le petit fils, qui perpétue l’œuvre familial et réalise de nombreux chantiers de rénovation.

Seul le saut de quatre années dans la datation des factures, entre 1914 et 1918 laisse deviner le vide laissé par le départ au front du père de Monsieur Turco. Cinq générations dans les mêmes murs, perpétuant les mêmes gestes. Bien sur le silicone a bien remplacé peu à peu la gélatine des moules, mais pour le reste la filasse de chanvre et de lin sert toujours d’armature à tous les moulages et le plâtre fin est toujours dilué avec l’eau du puits de la cour au Ph idéal. Le travail du sculpteur sert toujours de base aux moulages.

Pas besoin de catalogue, tout est la, accroché aux murs gigantesques, posé sur des étagères, suspendu au plafond : des bas reliefs, des frises, des vasques, des bustes des rosaces. Dans un vaisselier des Mariannes de différentes périodes s’alignent, côtoyant des vestiges du premier Empire; sur une table, trois masques mortuaires de Bonaparte, réalisés à partir d’un exemplaire confié, nous indique Monsieur Turco, par un Corse à son grand-père à la fin du 19ème siècle. Les décennies se côtoient, des ornements cossus de la belle époque, aux formes géométriques de l’art déco et des années 50. Rien de contemporain cependant dans cet inventaire.

Monsieur Turco le déplore un peu et nous explique que les architectes ont cessé de s’intéresser pour leurs créations aux formidables capacités ornementales du plâtre et que l’indétrônable Placo a remplacé les magnifiques plafonds moulés dans les années 70. Amusé, il nous montre cependant cet exemplaire dédicacé d’un livre de photos, qu’un architecte local lui a adressé l’an dernier. Un certain Rudy Ricciotti, dont son petit fils Jean-Baptiste lui a confirmé la grande renommée. Peu importe qu’il ne le connaisse pas, Monsieur Turco trouve cela de plutôt bon augure. Peut être des nouvelles créations, de nouveaux modèles commandés par de jeunes architectes viendront bientôt rejoindre la fantastique collection des établissements Turco.

Atelier Turco

495, Avenue de la Résistance

83000 Toulon

04 94 41 31 43

turcostaff@free.fr

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