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Les poèmes et dessins de Stacey

Lady on Line 6

 

She wears the lines on her face

like a map of paths taken,

choices made,

the rhythms of life

that rippled through her existence

leaving her scarred

with stories she gathered.

Forming her opinions,

moulding her temperament

and harbouring her habits

which have lived too long

to be broken.

 

L’histoire de The Woman on line 6 (La femme de la ligne 6)

J’ai écrit ce poème au sujet d’une femme âgée que j’ai rencontrée alors que je travaillais sur un projet artistique avec mon mari, Frank. Pendant les derniers mois de l’année 2013 ses parents qui étaient gravement malades, furent tous deux hospitalisés dans deux hôpitaux différents situés le long de la ligne 6 du métro parisien. Nous avons eu une idée, qui nous semblait susceptible de générer plus d’empathie et enrichir nos échanges, plutôt que de nous focaliser sur nos soucis.

Nous avons commencé à engager la conversation avec des inconnus. Pendant trois mois nous avons parlé avec une centaine de personnes qui prenaient la ligne 6, partageant des histoires et anecdotes ensemble et prenant leurs portraits. Sur le quai nous avons ri et aussi pleuré. Certaines histoires parlaient d’espoir et de joie, d’autres étaient remplies de tristesse. A chaque fois nous repartions, touchés par ces gens que nous avions pris le temps de connaître un peu mieux. Leurs visages et leurs histoires, sont gravés dans ma mémoire. Je sens qu’il y a un peu de nous tous dans cette femme de la ligne 6.

 

Sun Salutation

 

When you come out
everything takes on your golden light.
Lit with warmth
the paint on the park bench glistens,
beckoning me to join and inhale your goodness.

The ground beneath my feet
dries and shimmers with minerals
as the damp autumn leaves retake their form,
peeling away from the soil beneath them,
drying and existing in another life beyond the tree.

My hair turns to gold in your attendance,
I catch it in the corner of my eye
blowing and lightening
in remembrance to you.

My body begins to warm,
relaxing and releasing
all the tension your absence brings.
I profit from your presence with gratitude
and a love only knowing life without you can create.

L’histoire de Sun Salutation (Salutation au Soleil)

Pour moi la poésie est une forme de méditation. Une pratique de pleine conscience, ou vous vous immergez totalement dans le moment que vous décrivez et vivez. Sun Salutation fait partie d’une série de poèmes que j’ai écrits dans lesquels j’explore cette présence et cette gratitude pour les tous les moments de ma vie.

La poésie a toujours eu une grande place dans ma vie et c’est quelque chose de quasi sacré pour moi, car les poèmes viennent à moi alors que je suis en train de marcher, très souvent lors de rêves ou dans cet état entre éveil et sommeil. J’ai le sentiment qu’ils arrivent à des moments ou je suis ouverte au courant qui les porte vers moi, prête à les accueillir. J’écris des poèmes depuis que j’ai sept ans. Lorsque j’étais enfant je réalisais souvent moi même des recueils pour ma mère que je reliais avec du papier marbré.

La rencontre fertile d’inspirations différentes joue un rôle très important dans mon métier de designer. C’est très important pour moi de pouvoir m’exprimer avec différents médias qui me semblent adapter au discours que je veux porter.

Ma poésie et mon travail artistique inspirent mon travail de design et vice versa. Je crois qu’Einstein nommait cela le « jeu combinatoire », cette pollinisation croisée de différents stimuli est, comme il le disait essentielle à la pensée productive.

On nous oblige si souvent à nous spécialiser, apprendre à faire une seule chose très bien. Mais je trouve que dans mon cas cela inhibe le processus créatif, car la diversité du processus créatif me donne tellement de joie. En définitive, que j’écrive un poème, que je fasse un dessin ou que je crée un vêtement, je raconte toujours une histoire.

 

From Rags to Riches

L’industrie textile, grande consommatrice de matières premières, produisant 80 milliards de pièces chaque année est aussi une championne du gaspillage.
Au delà des tonnes de vêtements que nous destinons à plus ou moins court terme à la poubelle (12 Kilos jetés par an et par personne en France), les fabricants se débarrassent de quantités phénoménales de chutes et de métrages intacts, qui terminent la plupart du temps incinérés. (15% de la matière textile utilisée pour la production est jetée)
Interpellée par ces aberrations, la créatrice Stacey Cotter Manière a eu envie de proposer un vestiaire élégant et totalement mixte, composé de vêtements inspirés de l’utilitaire, conçus exclusivement avec les chutes provenant des meilleurs façonniers pour hommes.
(Re)vision Society propose une approche créative de valorisation ultra exigeante et très haut de gamme, ou chaque pièce fait l’objet d’une fabrication main emplie de détails sobres et raffinés. Interview.

The Artisans : Comment est née cette envie de s’impliquer pleinement dans un projet dont l’essence serait la revalorisation de textiles de seconde main et le développement de produits haut de gamme issus du recyclage ?

Stacey Cotter-Manière : Le déclic a eu lieu en Inde, il y a quelques années, lorsque j’ai vu des animaux se nourrir de déchets en plastique dans la rue. Une vision affreuse dont je vous passerai les détails sordides.

Nous sommes une espèce qui gaspille énormément. On ne se rend pas compte. Ici, on cache les déchets donc on ne s’aperçoit pas de tout ce qu’on jette mais c’est abominable. Et on ne sait pas quoi en faire non plus.

J’ai voulu apporter ma pierre à l’édifice, en toute humilité et j’ai crée (Re)vision Society où chaque aspect de la production est pensé pour jeter le moins possible.

 

T.A. : Comment intégrez vous ces problématiques dans la conception de vos créations ?

S.C.M. : Chaque étape a est mille fois réfléchie.  Il est vrai que parfois il n’y a pas de solution parfaite, mais j’essaye d’explorer toutes les pistes et de trouver la meilleure à chaque fois. Mon obsession est de sauver les fins de rouleaux et les off-cuts de l’industrie textile. Je le vis vraiment comme un sauvetage. Quand on voit la qualité des tissus qui sont jetés on en a mal au cœur. J’ai vu d’énormes chutes et des fins de rouleaux de cachemires une fois… Au début je voulais vraiment que l’on voit que ces pièces avaient été créées avec de la récup pour qu’on se rende compte de ce que l’industrie jetait.

 

T.A. : Comment choisissez vous les matériaux utilisés et comment les transformez vous?

S.C.M. : j’écume les friperies militaires, et les manufactures textiles à la recherche des pièces à recycler. Les productions sont façonnées à la main en petites quantités dans un atelier à Londres, le sac crée en collaboration avec Nigel Cabourn a été lui fabriqué à Birmingham. Chaque pièce est unique car nous respectons les spécificités des matériaux : leurs petites différences de coloris, ou leurs défauts de tramages qui leur donnent un aspect d’autant pus artisanal et unique. Sur mon sac par exemple, une des lanières en cuir a un coté plus brun que l’autre. Cela n’aurait pas passé le test de qualité dans une grande maison où l’on part du principe que tous les modèles doivent être identiques, uniformes, ce qui les prive de vie.

 

T.A. : Justement parlons de la vie de ces créations. Vous les concevez afin qu’elles continuent de vieillir et de se patiner en beauté, qu’elles accompagnent l’acquéreur toute une vie en remplissant des usages multiples. Comment procédez vous?

S.C.M. : Pour créer le sac* pour lequel nous avons collaboré, Nigel Cabourn et moi même, nous nous sommes inspirés d’un sac qui avait près de 100 ans et qui était encore en parfaite condition. Nous avons réfléchi à pas mal d’aspects pour faire en sorte qu’il puisse remplir plusieurs fonctions. Il se porte comme un cabas, comme un sac à dos.  Idem pour la veste que j’ai créée. Elle est en toile de l’armée française de la deuxième guerre mondiale, en se boutonnant à un pantalon elle devient une combinaison pilote. En se boutonnant à une autre pièce de tissu, elle devient une veste trois quart ou encore un manteau long. Tout est possible.

 

T.A. : En vous affranchissant des courants de mode et en privilégiant la qualité de la conception, la versatilité et l’intemporalité dans vos créations, vous créez des produits durables, mais ne vous privez vous pas ainsi d’un moteur de croissance pour votre marque?

S.C.M. : C’est une bonne question. La question du modèle économique que je mets en place avec cette marque est une question que je me pose en permanence. En ce moment beaucoup de gens s’interrogent sur le système d’économie circulaire, qui permet une maximisation des ressources disponibles. C’est un système ou le cycle de vie du produit est allongé au maximum, grâce à sa durabilité. Lorsqu’il devient inutilisable, ce produit et recyclé et retourne dans un cycle de production, pour un autre usage, jusqu’à épuisement.

Par exemple, le recyclage du polyester est une bonne chose, il évite d’en produire de nouveau et prolonge sa vie. Cependant, les textiles de polyester relâchent dans l’eau lors des lavages des microfibres polluantes et on n’a pour le moment pas trouvé de solution à grande échelle à ce problème.

Ce qui est important pour moi, à mon niveau personnel, c’est d’explorer de nouvelles façons de créer de la valeur, au delà de l’usage physique des produits que nous créons.

Nous devons trouver une réponse au niveau sociétal à notre besoin d’équilibrer le fait de faire ce que nous estimons juste et celui de réaliser un profit suffisant pour en vivre. Plus nous serons à nous poser ces questions et à travailler sur ces nouvelles idées, plus vite nous trouverons des solutions.

*Le sac et le béret présentés dans l’article sont le  fruit de la collaboration entre (re)vision society et Nigel Cabourn, sont d’ores et déjà disponibles chez Isetan au Japon et seront disponibles à partir du 20 Octobre en édition limitée sur les sites de (re)vision society et Nigel Cabourn.