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Lou Perdigaou : Le macramé graphique de Justine Laurent

Si ce n’était le crincrin lancinant des cigales sous les pins parasols gigantesques qui abritent les maisons de leur ombre bienveillante, on croirait la Californie. La lumière crue et zénithale, brouillée par l’humidité de l’air qui laisse présager de la chaude journée à venir, l’air saturé de sel, les échos de la plage voisine, la petite maison claire au bout de l’étroite allée sableuse. Au bout du jardin un jeune homme range sa planche de kitesurf et Justine blonde et souriante sert un café fumant. La belle vie.

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Photo Clément Minair

C’est dans ce cadre inspirant que Justine Laurent réalise ses créations en macramé pour sa toute jeune marque, Lou Perdigaou, la perdrix, en provençal. S’éloignant de l’image folk que l’on peut avoir sur cette pratique, Justine y applique une rigueur quasi mathématique intrigante et séduisante. C’est en parlant avec elle de ce qui l’a amenée au macramé que l’on entrevoit des réponses. Jeune ingénieure maritime, Justine a choisi d’explorer d’autres pistes créatives que celles que sa vocation lui apportait.

Dans le macramé elle a vu une occasion de partir d’un fil, qu’elle choisit toujours blanc et de se laisser porter par l’inspiration offerte par les nœuds marins. Une déclinaison de combinaisons de nœuds sur le fil plat tressé qui dessinent des volutes, des tresses, des cibles et se décline en suspensions, en tentures murales. On la regarde répéter son geste avec régularité et précision, brassant de longues nappes de fil emmêlées, tirant d’un apparent chaos des motifs ayant la complexité de fractales.

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Photo Clément Minair

Justine a la tête pleine de projets, elle veut pousser plus loin son travail sur le bois et la céramique en association avec le macramé. Elle a d’ailleurs récemment réalisé des objets en collaboration avec la designer textile spécialiste du tissage, Julie Robert. Jouant de l’aspect mat et rugueux du grès, elles ont associé les fils de coton de Justine et les laines duveteuses de Julie, créant des suspensoirs délicats. Le bois blond et brut s’est transformé en d’élégantes étagères flottantes. Toutes ces créations appellent la cascade de végétal, pour créer de petites jungles suspendues peuplées de succulents et cactées.

Le parcours de Justine ne fait que commencer et l’on a envie de suivre ses expérimentations avec la matière. Son énergie et la clarté de sa pensée dessinent un chemin qui la portera loin.

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Husbands, costumes pour hommes

Libérer l’homme grâce au costume. Lui permettre d’affirmer sa personnalité et de se réapproprier son vestiaire en endossant un complet. Cela peut paraître une gageure, mais quand on rencontre Nicolas Gabard, créateur de la marque de costumes Husbands, on comprend comment le vêtement masculin le plus traditionnel peut s’ériger en élément de lutte culturelle et politique.

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Nicolas fait de la résistance. Bien sur, il sait que les jeans et le confort ont depuis longtemps gagné la bataille dans le cœur de ses contemporains, mais il a une mission. Il a laissé derrière lui une brillante carrière d’avocat par passion pour le vêtement masculin. Son amour de l’élégance masculine ne souffre aucune concession et c’est donc tout naturellement dans un pop suit en prince de Galles qu’on pourrait le croiser, arpentant les squares parisiens avec ses enfants.

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C’est en cherchant les racines de cet amour pour la chose sartoriale chez Nicolas Gabard que l’on comprend l’essence de sa marque. Son panthéon personnel s’articule autour de héros de son enfance et de son adolescence, tous liés par l’art de se faire une seconde peau des éléments les plus classiques du vestiaire masculin. Un art subtil de créer son vocabulaire avec des éléments d’alphabet stylistiques que l’on aurait pu croire surannés. Bien sur on y trouve l’impeccable Cary Grant en prince de Galles gris et bleu de chez Kilgour, French & Stanbury, plongeant, cravate au vent dans un champ de maïs.

On y rencontre aussi les protagonistes de ces « films d’hommes », souvent au bord de la crise de nerfs, dont bien entendu le magnifique « Husbands » de John Cassavetes fut l’un des précurseurs. Vincent, François, Paul, Max, César, chez Sautet sont les dignes frères d’armes des trois héros New-Yorkais de l’œuvre de Cassavetes. On y porte beau le costume sombre, la chemise blanche et la cravate étroite, même en pleine beuverie et les femmes sont d’une sensualité et d’une élégance affolantes. Pensez Gena Rowlands et Romy Schneider.

On croise Ian Curtis, dont Nicolas Gabard nous montre une photo qui l’inspire. Le charismatique leader de Joy Division, sur scène en pleine action et en nage, y porte un pantalon à pinces en drap de laine ceinturé haut et une chemise noire. Se succèdent dans cet album un Mick Jagger arborant un très sage pull marin rouge sur un pantalon de flanelle et bien sur, Serge Gainsbourg, mais « avant Birkin » précise Nicolas Gabard, au costume Renoma à rayures tennis, impeccable.

Se dessine alors en creux le portrait d’un homme à l’élégance understated. Il se fond en une parfaite symbiose avec ses vêtements et ne se préoccupe jamais de sa mise, car elle lui vient naturellement. Loin des codes stricts de l’élégance britannique et de la flamboyance de la sprezzatura italienne, Nicolas Gabard pense cet homme comme typiquement français.

Pour vêtir cet être irrésistible, Nicolas Gabard propose ce qui se fait de mieux en demi mesure. Les costumes, réalisés par un atelier italien, sont taillés dans les tissus les plus fins : Fox Brothers, JJ Hardy, Hields pour les laines ou encore Spence Bryson pour les lins. Chez Husbands l’entoilage intégral est de mise, il est seul à garantir la tenue et la longévité du vêtement, car ici on se construit une garde-robe.

On pourra la compléter en y associant des accessoires raffinés, boots en box calf ou en nappa, des cravates en maille, des écharpes aux jolies proportions.

L’art du tailleur des années 70 et ses héros Francesco Smalto, Ralph Lauren ont inspiré une nouvelle collection à Nicolas Gabard pour la saison prochaine. On attend avec impatience de pouvoir voler aux hommes un peu de cette liberté élégante nouvellement gagnée, en nous glissant nous aussi pourquoi pas dans un costume Husbands. Wives?

Anaïs Guery, au fil de l’indigo

 

Anaïs Guery, c’est d’abord une présence forte et une beauté saisissante. Le feu pâle de sa longue chevelure, son regard droit ; son allure hiératique entre Orient et Renaissance flamande dans sa veste bleue matelassée, ceinturée haut sur la taille lui confèrent une élégance folle, hors du temps. Sa voix au timbre posé et un peu trainant, ses gestes déliés finissent de séduire.

Par ce jour de canicule, on pénètre dans la cour ombragée de son atelier où son assistant, vêtu d’une blouse blanche de chimiste, prépare avec application une cuve d’indigo. L’indigo, elle l’a vraiment rencontré pour la première fois en collaborant avec Catherine Legrand à son ouvrage de référence sur le sujet. La créatrice de la Bonne Renommée, passionnée par cette couleur, a chiné inlassablement des pièces au cours de ses voyages. Une collection aux nuances sombres, difficiles à capturer photographiquement, qu’Anaïs illustrera en aquarelles. Mais le bleu était déjà présent dans son travail et accompagnait de façon exclusive ses dessins depuis longtemps.

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Anaïs entreprend l’indigo comme une alchimiste. Elle confie aimer cette idée de l’expérience réactive, du bain transformatif, qui fait écho à ses expériences photographiques argentiques. Une certaine perte de contrôle accompagne ce processus, car le résultat n’est jamais véritablement reproductible. Un aléa qu’Anaïs place en contraste avec celui du travail sur la construction du vêtement ou, un même geste maitrisé produit systématiquement le résultat escompté.

Elle n’entretient pas avec l’indigo une relation trop révérencieuse. Elle aime les irrégularités, les imperfections du pigment sur l’étoffe. Elle teint de grands métrages de toile, obtenant des variations dans la couleur avec lesquelles elle aime jouer, en les plaçant dans la coupe de son vêtement. L’indigo est le fil conducteur, d’une collection à l’autre autour duquel vont s’articuler les pièces. Il se déclinera sur des matières lourdes, comme ce velours chenille emprunté à l’ameublement ou sur des fibres éthérées, comme ces twills de soie coupés en biais. Elle le fait dialoguer avec d’autres teintes, pour mieux le faire vibrer. Des rouges profonds, des noirs graphite, des écrus doux.

Les expérimentations sur le textile sont une source d’inspiration permanente pour Anaïs. Au fil des collections qu’elle crée pour sa marque a.guery depuis 2014, elle poursuit un travail d’artisan/chercheur. Elle n’hésite pas à convoquer autour de ses créations des pratiques artisanales inédites et parfois inattendues. Ses vêtements s’ornent de brandebourgs réalisés selon des techniques de tressage japonais, de boutons en porcelaine mate aux motifs floraux réalisés par l’atelier Pièces Unique.

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Son amour pour la matière et la coupe, Anaïs l’a affirmé lors de son parcours éclectique dans des maisons de couture françaises : Dior, Balenciaga, Cacharel. Sortie diplômée de l’école des Arts Décoratifs et de l’Institut Français de la Mode, elle ancre dans ces maisons son amour pour le geste artisan, le bien fait, l’unique. Il est devenu central dans son travail et lui permet d’exprimer un univers dont les sources d’inspiration se situent dans l’émotion que lui procurent une œuvre, une chanson, le détail d’un vêtement ancien ou une silhouette croisée dans la rue. Sur les mood boards qui ornent son atelier, on ne trouve quasiment aucun vêtement. Ceux présents ornent une madone, le corps du danseur Nijinsky…

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L’action painting et ses projections de peinture spontanées, lui ont inspiré un travail de martelage du textile, d’impression en réserve, de glacis et de marquage à la feuille d’or. Une recherche textile saisissante, menée par Anaïs Guery qui s’associe au savoir-faire du doreur Hubert Jouzeau. La toile de lin destinée aux châssis des peintres est teinte d’un indigo profond puis éclaboussée de feuilles d’or qui se posent en amas. Vibrations transcendantes du bleu et de l’or. Brouillage entre le noble et le trivial.

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Récemment, cette recherche a menée la créatrice au Bangladesh sur les traces de Living Blue, coopérative d’artisans regroupant la culture et l’extraction de l’indigo, mais aussi la teinture végétale et la broderie. Là, dans l’atelier situé au milieu des rizières et des champs d’indigo, Anaïs Guery a collaboré avec des artisans locaux sélectionnés pour leurs savoir-faire. Travaillant autour des étoffes teintes et façonnées par les artisans, utilisant un travail entre broderie et matelassage, Anaïs a expérimenté, créant par son approche de la coupe, une collection aux ampleurs aériennes et dansantes.

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ANAIS GUERY
contact@aguery.com
http://www.aguery.com/

Fabrique à Rêves

Travail de ciselure sur métal délicat d’Alice Hubert pour la première création originale de sa collection Yumé.

Un collier réalisé au bénéfice de l’association Ninoo, qui sera ensuite émaillé.

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L’atelier de K OH

Katherine Oh peint à l’huile des cieux pas toujours bleus. Des nuages duveteux s’amoncèlent en autant de houppettes moelleuses qui bientôt se font menaçantes. L’orage couve. Des arbres dénudés pointent leurs longs doigts décharnés vers l’azur. Étrangement on est bien, couchés là dans la clairière à regarder défiler ces quelques centimètre carrés de vapeur d’eau en suspension.

Katherinehome3-960x639Katherine dégage la grande douceur et la sérénité des gens en paix avec eux même. Elle vous accueille avec un large sourire et un regard brillant. Son atelier vaste et lumineux recèle des trésors inédits. On tombe en arrêt devant ces chimères qu’elle façonne à partir d’insectes épinglés. Les ailes fluos de ce papillon ou la corne écarlate de ce scarabée créent un effet d’étrangeté insidieux. On y regarde à deux fois pour démêler le vrai du faux. On se dit que les apparences sont parfois trompeuses.

Ses céramiques reflètent toute cette subtile ambiguïté. Elles associent des couleurs sourdes aux subtiles différences. Le mat et le brillant s’allient, la terre cuite prend des airs d’écorces d’arbres.

Un travail fermement ancré dans un rapport à la nature, fort à découvrir d’urgence.

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La Maison Lejaby

Nous avons eu envie de rendre hommage aux ouvrières qui façonnent quelques unes des plus belles pièces de lingerie française, dans le plus grand respect de la tradition, au cœur de la Maison Lejaby.

Derrière chacune de ces pièces, se cache une femme qui maitrise un des savoirs faire les plus délicats. Des années de pratique sont nécessaires, avant qu’une jeune apprentie maitrise pleinement son art.

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Chez Lejaby, tout est réalisé à la main, avec les plus belles matières sur le marché. Des soies et broderies locales, de la dentelle de Calais… Chaque femme réalise un sous vêtement du début jusqu’à la fin. Ici pas de travail à la chaîne. Celles qui ont plus d’ancienneté travaillent en binôme avec les jeunes pour les former et ainsi transmettre leur savoir-faire.

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Le confort et le bien aller de ces pièces est sans compromission. Ils sont le fruit de cette maitrise et de cette exigence. Les mains expertes maitrisent aussi bien le travail avec les matières délicates les plus raffinées, dentelles chantilly ou de Calais, que les plus modernes et techniques.

Nous aimons les portraits de ces femmes à la fois timides, généreuses et honnêtes qui nous ont bluffées.

Tisserands de l’Atlas

 Au pied de l’atlas, dans la poussière et la rocaille, nous avons découvert un travail d’une grande finesse : des carrés en coton, en lin ou en laine épaisse entièrement tissés à la main ; des étoles, des couvertures épaisses, des taies d’oreiller, des sacs aux couleurs naturelles, et au design tout simple… Des étoffes qui amènent un souffle marocain tout en restant assez épurées pour réussir à se marier avec  tout.

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En visitant les ateliers, nous avons réalisé à quel point chaque centimètre carré de tissage représentait un travail de titan, et une concentration minutieuse. Nous avons été emballées par la qualité des produits naturels. Les méthodes traditionnelles employées – le filage, les métiers à tisser en bois – ajoutent un grain, une texture unique aux matières.

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Vous pouvez commander votre propre étole directement à l’atelier Art Tissage Tam.

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Aurélie Dorard, Céramiste

Aurélie Dorard est une femme délicate au physique fragile. Elle parle tout doucement et bat des cils quand elle vous explique sa nouvelle passion: la céramique. Il est difficile de l’imaginer dans ses vies (hyper actives) antérieures.

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Aurélie a débuté dans une agence de pub en tant que graphiste, puis elle a monté et tenu en parallèle une librairie d’art (l’incontournable The Lazy Dog), une galerie et une maison d’édition. Derrière sa petite carrure se cache en fait une force de la nature.

Au bout de huit ans herculéens, elle a tout laissé de côté pour se consacrer à une activité calme, presque monacale.

Niché juste en dehors de Paris, dans une belle maison bourgeoise, son atelier est ouvert sur une court verdoyante. C’est un lieu aérien et terrien qui lui va bien.

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Elle passe ses jours à tourner et façonner de nouvelles formes, à travailler l’argile, le grès ou la porcelaine, dessinant dans ses cahiers, testant les couleurs, mettant en pratique la vision voltairienne de « cultiver son jardin ». Elle s’est construit une bulle, un univers ou tout est beau et paisible.

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Elle a choisi une voie nouvelle, suivie par tant d’autres en ce moment. Ce n’est plus tout à fait le retour à la terre des années 70. Il ne s’agit pas de fuir la ville, puisque beaucoup choisissent de rester dans la jungle urbaine. Il ne s’agit pas non plus de se couper du monde, puisqu’ils restent ultra connectés.

Il s’agit plutôt de rester dans le monde réel et d’y participer tout en changeant la façon dont on interagit avec. Il s’agit de choisir une vie qui semble avoir plus de sens, d’être en phase avec ses valeurs, pour pouvoir prendre soin de soi physiquement et psychiquement.

Il s’agit de changer de perspective.

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Atelier Aurélie Dorard

http://aureliedorard.com/contact/

Héritage Paris

Héritage Paris, est une petite marque française montée par une bande de gars qui aiment les belles choses. Une marque versatile qui avait commencé avec des vélos sur mesures, et collaboré depuis avec beaucoup de marques créatives : Isabelle Marant, Melinda Gloss, Colette, Persol…

Le travail qui nous a attiré l’œil est leur collaboration avec l’artiste Alexone. Les planches de skate faites-main, inspirées de la forme rétro des long boards des années 70, et sculptées dans du chêne massif s’ornent des motifs enflammés dessinés par Alexone, gravés au laser recto/verso.

Voici la vidéo réalisée dans leur atelier.

Paper weight Haford Grange.

En apesanteur, figé pour toujours dans sa gangue de résine translucide, un pissenlit flotte.

La magie qui le maintient intacte, dans toute sa gloire fascine depuis l’enfance.

Le caractère trivial de sa finalité n’entache en rien son aura. Il peut bien maintenir en place sur le bureau factures et prospectus, il reste un miracle.

crystal-ballSes pouvoirs lui ont sans aucun doute été conférés par ses origines. Né dans un atelier installé dans une grange du 14ème siècle, au cœur d’une prairie de pâturage estival galloise, il a été cueilli et emprisonné par les mains expertes d’un des artisans de Hafod Grange Paperweights.

Leur devise : Créer l’étrange, flirter avec l’impossible. Tout un programme.