Archives du mot-clé #artisan

Bruce Cecere : Iron Man

C’est chez Monsieur, atelier artisanal de bijouterie parisien fondé par Nadia Azoug, que nous avions remarqué ses réalisations: des vitrines imaginées ensemble et mises en oeuvre par lui. Ses écrins délicats de laiton et de verre, qui abritaient les bijoux aériens de Nadia, y créaient une atmosphère de boudoir raffiné.

Bruce Cecere, ferronnier d’art, possède un savoir-faire unique. Mêlant la légèreté du façonnage, héritée de l’école traditionnelle française de ferronnerie du XVIIIème, à une approche plus brute autour du travail de la forge et possédant un sens créatif aiguisé, Bruce Cecere sait rendre le métal vivant à bien des titres.

160725-bruce_cecere-335-copie160725-bruce_cecere-296-copieSon métier, Bruce Cecere s’y est formé depuis l’adolescence. Après un bac pro en tôlerie chaudronnerie, il réalise que sa véritable envie se trouve du côté de la forge et s’engage dans un brevet de maitrise auprès des Compagnons du Devoir. Un cheminement exigeant, qui l’amènera à travailler une fois diplômé dans des ateliers prestigieux, tel que celui du grand ferronnier d’art Joel Orgiazzi, tenant de la ferronnerie classique à la Française.

Désormais installé dans son propre atelier à Pantin depuis 2014, Bruce Cecere suit un cheminement personnel qui le pousse à expérimenter la plasticité du métal, avec ses clients architectes, designers, décorateurs, artistes. Ainsi au printemps dernier, lors des DDays, il a lui même choisi de collaborer avec le designer Samuel Accoceberry, dans le cadre des rencontres Péri’Fabrique.

De ce travail commun a émergé un projet de luminaire en métal, fin et élancé. Aux éléments bruts et industriels du métal patiné des trois branches sur balancier qui composent la structure de ce lampadaire, viennent répondre des abats jour plus sophistiqués. Fines feuilles de laiton perforé doré en bain, de laiton cuivré verni mat, pliées, ils viennent se poser délicatement sur l’acier oxydé. Cette collaboration met parfaitement en valeur la palette des savoir-faire d’un artisan tel que Bruce, qui en parfaite concordance avec un designer, peut faire glisser la matière du brutal à l’élégance dans un même objet pour créer une œuvre toute en tensions et en souplesse.

160725-bruce_cecere-56-copie

Cette combinaison de savoir-faire et de passion, Bruce Cecere les transmet avec ardeur. Il nous fait visiter son atelier, ou s’accumulent arabesques de métal et croisillons d’acier délicatement noués de laiton, devant l’impressionnante forge, qui ce jour là restera éteinte. Le feu pourtant est un élément quasi mystique au cœur de l’atelier au travail et lorsqu’il nous décrit les attentions dont il est l’objet, lui qui doit être conduit et réglé en permanence, alimenté de charbon, on pense à ces flammes éternelles, gardiennes du sacré.

img_0864

Le métal y sera plongé afin d’atteindre la température qui permettra de le travailler. Les objets seront remis au feu perpétuellement pour les amener à la plasticité requise. Il faut prendre garde à ne pas laisser les pièces trop longtemps. Ne pas les bruler. Amener le fer à ce coloris jaune pâle, presque blanc. L’écouter aussi lorsqu’on le martèle, pour juger de sa densité. Un travail qui fait appel à tous les sens.

p1070703

Le fer devient plastique. Il est martelé sur l’enclume, plié, soudé, travaillé à l’étampe. On admire les marteaux, forgés par l’artisan, et auxquels il a imprimé la texture et le grain de roches granitiques. Il martèlera à son tour l’acier, le laiton, pour créer des motifs uniques.

La création est au cœur de la pratique de Bruce Cecere, qui sait ainsi renouveler son art, attirer à lui des créateurs reconnaissants son approche particulière et ses savoir-faire, mais aussi séduire de nouvelles générations de ferronnier d’art, qu’il prend plaisir à former.

Il a récemment travaillé avec Ron Arad à la réalisation d’égouttoirs à bouteilles compressés, en édition limitée, hommage à Marcel Duchamp et le luminaire Moon réalisé avec Samuel Accoceberry devrait être édité en 2017.

jpeg

jpeg-9jpeg-6

Atelier Bruce Cecere – Ferronnier d’Art 29, Rue Cartier Bresson 93500 Pantin Tél : 01 48 46 76 82

Photos @ Nicolas Despi, Nicolas Lascourrèges et Alexandre Delamadeleine.

Lou Perdigaou : Le macramé graphique de Justine Laurent

Si ce n’était le crincrin lancinant des cigales sous les pins parasols gigantesques qui abritent les maisons de leur ombre bienveillante, on croirait la Californie. La lumière crue et zénithale, brouillée par l’humidité de l’air qui laisse présager de la chaude journée à venir, l’air saturé de sel, les échos de la plage voisine, la petite maison claire au bout de l’étroite allée sableuse. Au bout du jardin un jeune homme range sa planche de kitesurf et Justine blonde et souriante sert un café fumant. La belle vie.

clement-minair-65
Photo Clément Minair

C’est dans ce cadre inspirant que Justine Laurent réalise ses créations en macramé pour sa toute jeune marque, Lou Perdigaou, la perdrix, en provençal. S’éloignant de l’image folk que l’on peut avoir sur cette pratique, Justine y applique une rigueur quasi mathématique intrigante et séduisante. C’est en parlant avec elle de ce qui l’a amenée au macramé que l’on entrevoit des réponses. Jeune ingénieure maritime, Justine a choisi d’explorer d’autres pistes créatives que celles que sa vocation lui apportait.

Dans le macramé elle a vu une occasion de partir d’un fil, qu’elle choisit toujours blanc et de se laisser porter par l’inspiration offerte par les nœuds marins. Une déclinaison de combinaisons de nœuds sur le fil plat tressé qui dessinent des volutes, des tresses, des cibles et se décline en suspensions, en tentures murales. On la regarde répéter son geste avec régularité et précision, brassant de longues nappes de fil emmêlées, tirant d’un apparent chaos des motifs ayant la complexité de fractales.

clement-minair-85
Photo Clément Minair

Justine a la tête pleine de projets, elle veut pousser plus loin son travail sur le bois et la céramique en association avec le macramé. Elle a d’ailleurs récemment réalisé des objets en collaboration avec la designer textile spécialiste du tissage, Julie Robert. Jouant de l’aspect mat et rugueux du grès, elles ont associé les fils de coton de Justine et les laines duveteuses de Julie, créant des suspensoirs délicats. Le bois blond et brut s’est transformé en d’élégantes étagères flottantes. Toutes ces créations appellent la cascade de végétal, pour créer de petites jungles suspendues peuplées de succulents et cactées.

Le parcours de Justine ne fait que commencer et l’on a envie de suivre ses expérimentations avec la matière. Son énergie et la clarté de sa pensée dessinent un chemin qui la portera loin.

macrame

Calendrier de l’Avent du désir

Un Objet du désir fabriqué par un artisan par jour, pendant 24 jours

  • 1er Décembre les assiettes de la céramiste Aurelie Dorard à offrir ou s’offrir ici
  • 2 Décembre les étoles en twill et satin de soie gaufré, teint à la main en indigo naturel par la talentueuse A.guery A trouver ici
  • 3 Décembre Le bougeoir en laiton 180°, crée par Klaxon Designers . Usiné numériquement, il garde un aspect brut et minimaliste et sa matière se patine avec le temps. Il peut contenir d’un côté une chandelle et de l’autre une bougie chauffe plat.
    Vous le trouverez chez Maison Godillot
  • 4 Décembre Une théière en céramique japonaise Moderato, pour prendre son temps. A trouver chez La Trésorerie
  • 5 Décembre Un plumier en liège des landes fabriqué artisanalement à Paris pour La Petite Papeterie Française

Laurence Le Constant, artiste et plumassière

C’est grâce à Philipe Atienza, avec lequel elle a collaboré à la réalisation de souliers fantastiques pour la maison Massaro, que nous avons fait la connaissance d’une alchimiste. Laurence Le Constant ne transforme pas le plomb en or, mais donne vie à l’inanimé et du poids aux plumes dont elle pare ses chimères.

Elle a commencé sa carrière en exerçant des métiers fabuleux qui n’existaient que pour elle. Après des études la menant de la Sorbonne à la chambre syndicale de la couture, Laurence a rejoint les ateliers de la maison Dior ou elle a créée la fonction inédite de designer de paillettes. Patiemment elle a défini la forme de ses précieuses pépites, fait naitre des teintes surréelles en patinant et oxydant la matière. Comme dans un conte de Perrault, elle se retrouvera naturellement chargée de broder la robe couleur du temps d’une célèbre chanteuse québécoise, moderne peau d’âne.

Laurence3

Les entrelacs de son parcours mêlant intimement art et artisanat vont la conduire à expérimenter toujours plus loin. Sa maitrise technique assurée des métiers de brodeuse, plumassière et styliste vont permettre à son imaginaire fécond de s’exprimer dans des sculptures intenses et fascinantes, mais aussi sur des objets de mode d’un luxe irréel. Marcher sur des plumes, mettre des ailes à ses souliers.

Laurence2

La plume est sa matière créative de prédilection. Mais loin de se faire éthérée et immatérielle, la plume de Laurence Le Constant vient nous titiller dans les recoins les plus éloignés de notre inconscient. Sur des formes animales ou humaines, qu’elle a sculptées et recouvertes des feuilles arrachées à des livres anciens qu’elle a chinés, Laurence colle patiemment une à une ses plumes. Ainsi, sur la trame de l’histoire cachée de ces pages encollées aux squelettes de ses œuvres, nait une nouvelle narration.

Laurence3

Laurence se fait chamane et dans une transe créative, s’absorbe dans le passage d’un message, d’un souvenir, d’un ressenti qui remonte à sa conscience. Elle est fortement inspirée par les écrits de C.G. Jung portant sur l’élargissement de la conscience grâce à l’imagination active. Le décès de sa grand-mère adorée aura été un déclencheur essentiel dans son choix d’ouvrir son champ créatif. Elle qui l’avait toujours encouragée à poursuivre ses études artistiques, se place aussi de manière très subtile au cœur d’une inspiration ou l’on sent poindre l’ombre de la mort et la lumière du renouveau.

Elle se dit fascinée par l’univers du sculpteur David Altmejd et à la découverte du travail de dissection et de reconstruction produit par l’artiste montréalais on comprend la filiation. Mais aux créatures lycanthropes de ce dernier, ou la carcasse et le poil laissent apparaître la chair meurtrie, Laurence préfère une évocation plus sereine à laquelle la perfection graphique des plumes vient conférer une esthétique hypnotique.

Avec ses objets chimériques, transcendants des matières recyclées et organiques, la plumassière et artiste Laurence Le Constant élabore un reliquaire précieux, dans lequel l’esprit s’abime et se recueille.

Laurence4

Husbands, costumes pour hommes

Libérer l’homme grâce au costume. Lui permettre d’affirmer sa personnalité et de se réapproprier son vestiaire en endossant un complet. Cela peut paraître une gageure, mais quand on rencontre Nicolas Gabard, créateur de la marque de costumes Husbands, on comprend comment le vêtement masculin le plus traditionnel peut s’ériger en élément de lutte culturelle et politique.

husbands4

Nicolas fait de la résistance. Bien sur, il sait que les jeans et le confort ont depuis longtemps gagné la bataille dans le cœur de ses contemporains, mais il a une mission. Il a laissé derrière lui une brillante carrière d’avocat par passion pour le vêtement masculin. Son amour de l’élégance masculine ne souffre aucune concession et c’est donc tout naturellement dans un pop suit en prince de Galles qu’on pourrait le croiser, arpentant les squares parisiens avec ses enfants.

husbands5

C’est en cherchant les racines de cet amour pour la chose sartoriale chez Nicolas Gabard que l’on comprend l’essence de sa marque. Son panthéon personnel s’articule autour de héros de son enfance et de son adolescence, tous liés par l’art de se faire une seconde peau des éléments les plus classiques du vestiaire masculin. Un art subtil de créer son vocabulaire avec des éléments d’alphabet stylistiques que l’on aurait pu croire surannés. Bien sur on y trouve l’impeccable Cary Grant en prince de Galles gris et bleu de chez Kilgour, French & Stanbury, plongeant, cravate au vent dans un champ de maïs.

On y rencontre aussi les protagonistes de ces « films d’hommes », souvent au bord de la crise de nerfs, dont bien entendu le magnifique « Husbands » de John Cassavetes fut l’un des précurseurs. Vincent, François, Paul, Max, César, chez Sautet sont les dignes frères d’armes des trois héros New-Yorkais de l’œuvre de Cassavetes. On y porte beau le costume sombre, la chemise blanche et la cravate étroite, même en pleine beuverie et les femmes sont d’une sensualité et d’une élégance affolantes. Pensez Gena Rowlands et Romy Schneider.

On croise Ian Curtis, dont Nicolas Gabard nous montre une photo qui l’inspire. Le charismatique leader de Joy Division, sur scène en pleine action et en nage, y porte un pantalon à pinces en drap de laine ceinturé haut et une chemise noire. Se succèdent dans cet album un Mick Jagger arborant un très sage pull marin rouge sur un pantalon de flanelle et bien sur, Serge Gainsbourg, mais « avant Birkin » précise Nicolas Gabard, au costume Renoma à rayures tennis, impeccable.

Se dessine alors en creux le portrait d’un homme à l’élégance understated. Il se fond en une parfaite symbiose avec ses vêtements et ne se préoccupe jamais de sa mise, car elle lui vient naturellement. Loin des codes stricts de l’élégance britannique et de la flamboyance de la sprezzatura italienne, Nicolas Gabard pense cet homme comme typiquement français.

Pour vêtir cet être irrésistible, Nicolas Gabard propose ce qui se fait de mieux en demi mesure. Les costumes, réalisés par un atelier italien, sont taillés dans les tissus les plus fins : Fox Brothers, JJ Hardy, Hields pour les laines ou encore Spence Bryson pour les lins. Chez Husbands l’entoilage intégral est de mise, il est seul à garantir la tenue et la longévité du vêtement, car ici on se construit une garde-robe.

On pourra la compléter en y associant des accessoires raffinés, boots en box calf ou en nappa, des cravates en maille, des écharpes aux jolies proportions.

L’art du tailleur des années 70 et ses héros Francesco Smalto, Ralph Lauren ont inspiré une nouvelle collection à Nicolas Gabard pour la saison prochaine. On attend avec impatience de pouvoir voler aux hommes un peu de cette liberté élégante nouvellement gagnée, en nous glissant nous aussi pourquoi pas dans un costume Husbands. Wives?

Meghan Shimek, Fiber Artiste : Féminin Singulier

Meghan est libre comme l’écheveau soyeux de laine cardée qui s’anime entre ses doigts. C’est de cette liberté qu’a émergé un travail sensible, fort et sensuel, qui se démarque véritablement dans le paysage contemporain.

 Le tissage s’est imposé à Meghan Shimek comme une évidence il y a maintenant plus de trois ans après des expérimentations avec le crochet et le tricot. Sa soif de partage et de rencontres et son désir d’apprendre l’ont poussée à s’initier auprès de tisseurs et d’artistes traditionnels et contemporains. Des femmes Navajo de la réserve voisine de sa maison dans l’Arizona, elle a appris les techniques vernaculaires empreintes de tradition animiste et de cosmologie. A San Francisco elle a suivi l’enseignement de Tricia Goldberg et à son contact s’est infusé d’œuvres d’artistes notamment du Bauhaus, tels que Josef Albers.

Les tissages de Meghan racontent des histoires fortes de liens rompus et recrées, de perte et de guérison. Weaving and healing, sont des mantras qu’elle égrène tout au long de ses œuvres. Elle conte des moments de vie, une pratique qu’elle prolonge d’ailleurs dans la lecture des tarots qu’elle pratique. Saisies par les parallèles mythologiques, on évoque avec elle les Moires, ces trois sœurs faisant partie des divinités grecques, qui tissaient le destin des hommes et scandaient les transitions rythmant la vie humaine avec leurs fils.

Pour Meghan d’ailleurs le tissage reste principalement une affaire de femmes. Pas par rejet du masculin, mais par le lien fort qui se crée dans cette sororité, issue de la longue tradition féministe du Fiber Art.

 Tout au long de son œuvre, Meghan raconte une histoire de femme, la sienne. Elle aime travailler sur l’inconfort du corps et des sentiments. Créer dans un mouvement quasi chorégraphique. Le tissage comme voyage, comme une errance qui retranscrit, avec ses changements soudains de matière, de couleurs, la cassure, la fin d’un lien que l’on pensait éternel, l’insécurité. Soudain il s’offre comme un cocon protecteur, un havre ou se reconstruire.

C’est Rove, la collaboration pour une galerie de San Francisco avec l’artiste Babette DeLafayette, qui a permis à Meghan d’exprimer pleinement dans son art ses sentiments profonds autour de la disparition de son père et de la fin de l’union avec l’homme qu’elle aimait, dans des pièces aux volumes gigantesques et aux liens tressés qui s’entremêlent.

Un acte transformatif perceptible dans ses immenses tissages dont les ondes pulsatiles nous envoutent et dont la fibre moelleuse nous invite à nous lover.

Distillerie de Paris

C’est l’odeur d’abord qui saisit. Quelque chose d’herbacé qui rappelle l’artichaut, le foin humide aussi. C’est dans la cuve que ça se passe, sous nos pieds, à fond de cale un homme s’affaire et mélange un bouillon fumant, une bière lourde et mousseuse.

Mais c’est devant nos yeux que ça rutile et que ça capture la rétine. L’ambre doré du corps de chauffe, les hublots illuminés du condenseur où l’on voit circuler le liquide translucide. Nous sommes dans le Nautilus et le capitaine Némo est bouilleur de cru.

julhes3Nicolas Juhlès, le fondateur de Distillerie de Paris est unique en son genre. Le seul à voir jamais obtenu l’autorisation de distiller dans la capitale. Son alambic Holstein porte fièrement son numéro 1. Il se rêvait nez et quand on l’entend parler de ses expérimentations olfactives, cela semble une évidence.

C’est dans les associations d’arômes et les expériences olfactives et gustatives que Nicolas Juhlès excelle. De ses expéditions matinales parmi les étals de marché, il rapporte des matières premières qui lui inspirent des associations inédites. Il distille l’érable canadien, la mélasse sud américaine, l’agave, le vin de Folle-Blanche. Il marie les agrumes, les épices, le quinquina, le miel issu de la ruche qui se trouve sur son toit.

julhes2C’est dans cette liberté offerte par ce système de micro distillerie que Nicolas Juhlès s’épanouit. Des petites quantités, du sur-mesure, qui offrent une infinité de possibilités et de mélanges qui correspondent bien à ce que ce quartier de Paris a à offrir.

On passe de l’Afrique gare de l’est à l’Asie passage Brady, on fait un crochet par la Turquie dans la « Petite Istanbul » tout cela patiné par la tradition d’épicerie fine de la famille Juhlès. Paris se transforme en un formidable terrain de jeu, plus qu’en terroir et le rayonnement créatif et culturel de la ville appelle à faire participer aux expériences pâtissiers, parfumeurs, chefs et à envisager de faire vieillir pourquoi pas certains fûts dans des endroits uniques : caves de l’Opéra, sous sol de l’Arc de Triomphe, sur une péniche qui sillonnerais la Seine.

On rêve de capturer la part des anges qui s’évaderait de ces fûts là.

Distillerie de Paris à déguster chez Juhlès Paris
54, Rue du Faubourg Saint Denis 75011 Paris

Les volutes bleues indigo d’Aboubakar Fofana

Nos expérimentations avec l’indigo ici et là nous avaient fait graviter autour d’Aboubakar Fofana. Son travail était devenu pour nous incontournable et son compte Instagram nous offrait chaque jour des démonstrations de plus en plus éclatantes de son savoir-faire subtil. Il restait cependant insaisissable, happé sans doute par les workshops qu’il dispensait d’Australie à la Californie, sans relâche.

Il en devenait quasi mythique et nous évoquions régulièrement son nom dans nos conversations enflammées autour de l’indigo, quitte à passer pour de véritables groupies. Nous nous devions d’arriver à rencontrer celui qui sillonnait le monde entier pour transmettre son art.

Rendez-vous fût finalement pris dans les sous sol du Marché Noir à Paris ou il faisait escale pour la présentation de l’exposition commune avec l’artisan teinturier japonais Tatz Miki et trois jours d’un atelier intense. Indigoflash3

Dans une atmosphère sereine et studieuse, vêtu de sa tenue de travail, crée par ses soins et déclinant toutes les teintes de l’indigo, chaussé de Jika Tabi traditionnelles en cuir teinté de bleu, Aboubakar Fofana préside la séance au milieu de cuves au contenu précieux.

Nous découvrons grâce à lui une nouvelle approche, plus lente et plus recueillie que celles que nous avions déjà pu expérimenter autour de l’indigo. Les cuves qu’il a préparées quelques jours avant sont prêtes. Une mousse bleutée légère et dense à leur surface  indique que la magie de l’indigo pourra enfin avoir lieu.

Indigoflah4

Il trempe avec douceur les bandes de tissu et manipule lentement l’étoffe sous l’eau opaque entre ses doigts pour imprégner le textile. Tout se passe de façon cachée, à l’abri de la lumière et de l’air. Cette première bande est immédiatement plongée dans l’eau claire ; une offrande que nous faisons à la déesse de l’eau, pour qu’elle nous accorde un travail sous les meilleurs auspices. Il en résulte un bleu à peine présent, un souffle couleur de ciel voilé.

Aboubakar Fofana travaille une couleur vivante, née dans les brumes et la mousse d’une cuve aux reflets sombres et profonds. Il sait à merveille véhiculer la tradition indigotière séculaire d’Afrique de l’ouest, auprès d’un public composé de néophytes ou d’étudiants plus expérimentés, tous en quête de ce bleu mythique si difficile à saisir.

Aboubakar4Sa maitrise de cet art délicat est une facette essentielle de son travail qui comprend notamment la calligraphie, par l’entremise de laquelle il s’est passionné pour les pigments naturels. Son désir de porter la culture liée à l’indigo végétal, mis à mal par l’indigo synthétique depuis le XIXème, l’a conduit non seulement au partage de ses savoir-faire par le biais d’ateliers, mais aussi à la création d’une ferme située au Mali. Une plantation indigotière y est née car Aboubakar souhaitait relancer une filière de production d’indigo végétal écologique dans son pays natal. Il y associe du coton biologique et crée un atelier qui réunit des artisans autour de la teinture et du tissage.

Aboubakar1

Aboubakar travaille la couleur et la matière, en véritable plasticien. Cherchant inlassablement son inspiration dans la nature, réalisant des objets uniques ou la teinte se pose parfois en un fil à fil subtil, qui n’est pas sans rappeler les pleins et les déliés sa calligraphie, il écrit une partition moderne qui n’appartient qu’à lui.

Fabrique à Rêves

Travail de ciselure sur métal délicat d’Alice Hubert pour la première création originale de sa collection Yumé.

Un collier réalisé au bénéfice de l’association Ninoo, qui sera ensuite émaillé.

alice_yume2

Enregistrer

Edito #0

Bienvenue chez The Artisans. Magazine, recueil de rencontres, journal de bord, carnet de route, collection de moments et de courants, The Artisans est un peu tout cela à la fois.

lamano

Nous avons choisi de documenter de façon sensible le renouveau de l’artisanat. Brouillant volontairement les frontières artificielles érigées entre Art et Artisanat, nous avons souhaité présenter des portraits de femmes et d’hommes mettant en œuvre des savoirs-faire séculaires de façon résolument moderne.

Nous nous attachons à décrire leur parcours de vie aussi bien que leur parcours créatif, tant ces artisans d’un nouveau genre, souvent venus à l’artisanat par des chemins de traverse, savent faire dialoguer entre elles toutes les facettes de leurs personnalités.

Nous nous sentons proches de cette envie de donner du sens à notre travail et de faire cohabiter l’esprit et la matière pour produire du beau et de l’utile. Nous nous inscrivons dans cette volonté de consommer des objets de façon plus réfléchie, en s’attachant à leur histoire et à la beauté qu’ils nous offrent. Ce mouvement nous semble être un véritable creuset créatif propre à révéler des talents inédits.

C’est ce bouillonnement qui nous inspire et que nous souhaitons partager avec vous, dans ces miscellanées de l’art façonnier. Plus encore, nous vous inviterons régulièrement à assister à des rencontres et à vous initier grâce à des ateliers et master classes.

Retrouvez nous chaque mardi pour de nouveaux articles et abonnez vous à notre newsletter pour nous suivre. Nous vous souhaitons une belle lecture.

Julie Berranger et Hélène Borderie

ff715c3a72e3fb458f6fea47932ad5b1tumblr_nc8rbxledg1r00vf5o1_1280