Archives du mot-clé Teinture végétale

Whole, manufacture de teintures naturelles

Avec Whole, Aurélia Wolff a imaginé un espace de création et d’expérimentation colorielle, écologique et artisanal, appliqué à l’art de vivre et à la décoration. Elle y intègre aussi bien un travail sur des textiles naturels tissés ou tricotés en France que sur la teinture végétale, qu’elle décline en une palette douce et poudrée.

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Après avoir assuré la direction artistique de sa marque de prêt à porter féminin, Rosa Tapioca pendant sept ans, Aurélia part à la recherche d’un nouveau support pour recevoir la couleur. Inspirée par ses échanges avec le chimiste Michel Garcia, grand spécialiste des teintures naturelles, Aurélia développe un savoir faire subtil de teinturière et expérimente dans un premier temps avec des végétaux qu’elle recycle. Les fanes de carottes parent le voile de coton d’un jaune orangé pimpant, les pelures d’avocat créent une nuance chair délicate.

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Développant des modes de fabrication totalement écologiques, basé sur le local, l’utilisation de tissus bio Français, Aurélia s’inscrit dans une vision qui va à l’encontre de ce que l’industrie textile moderne propose. Une réflexion à la fois esthétique, environnementale, humaine, économique et manufacturière poussée à son extrême. Un tout, qui valorise l’unicité de chaque pièce, teinte à la main patiemment.

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De fait, chaque coussin, chaque édredon, chaque couverture est unique. Les crêpes de laine, cotons, lins, tissés dans les Vosges, sont mordancés ou teints en mono-bain dans le laboratoire qui prolonge la boutique-atelier lumineuse du 86 Rue Jean-Pierre Timbaud à Paris. Les écheveaux de laine mérinos sont eux aussi teints dans ces bacs, avant d’être tricotés dans des ateliers partenaires, comme ces couvertures en pure laine vierge, dans le massif central. D’autres créations seront elles teintes en pièces, créant des motifs tachistes et des dégradés raffinés.

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Dans les bocaux du laboratoire d’Aurélia, s’alignent désormais sur la jolie paillasse carrelée de blanc, les extraits de garance, de rhubarbe, de bois de campêche, de cachou, de cochenille, de noix de galle et l’indigo et le pastel qui viendront créer la palette unique qui caractérise la marque. Un nuancier subtil de couleurs fondues. Le kaki côtoie le rose poudré, le gris orage un jaune bouton d’or, l’hirondelle, le brun terre de sienne. Les tissages réalisés sur le grand métier en bois qui trône dans la vitrine, égrènent ces nuances subtiles en traits fondus ou en motifs géométriques minuscules, sur des coussins et des tapis, réalisés à la commande.

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Forte du savoir-faire qu’elle possède, Aurélia a développé son atelier-boutique comme un laboratoire, ou elle poursuit des recherches textiles et colorielles en végétal pour des marques. Toujours à la recherche de nouveaux supports textiles pour ses créations, elle poursuit ses explorations en France, dénichant les rares manufactures perpétuant des traditions séculaires. L’atelier a aussi récemment commencé à proposer des formations d’une demi journée autour de la teinture végétale. Une occasion de découvrir Whole à ne pas manquer.

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Whole 86, Rue Jean-Pierre Timbaud Paris 11ème

Photos (c) Julie Ansiau

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Edito #2 Fil Conducteur

Le 10 Novembre dernier nous avons présenté dans le cadre exceptionnel de La Villa Rose à Paris la première collaboration produite par The Artisans.

Elle a réuni l’artiste textile Meghan Shimek et la designer textile Anaïs Guery.

Un dialogue s’est établi entre les deux créatrices, un partage entre leurs univers artistiques guidé par les savoir-faire artisanaux qu’elles ont développés dans leur pratique; le tissage pour Meghan, la teinture à l’indigo végétal pour Anaïs, qui leur ont permis de créer un langage commun. Les savoir-faire comme fil conducteur, trame expressive d’une créativité orientée autour de la fibre. Six œuvres individuelles sont nées.

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Anaïs, habituée dans son travail de designer textile à travailler un fil transformé par le tissage ou le tricot, a expérimenté sur la matière brute des brins de laine cardée utilisée par Meghan. Inspirée par l’aspect vierge et duveteux du fil, elle a souhaité conserver le gonflant de la fibre dans le processus de teinture en lui imposant un minimum de manipulations.

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Travaillant autour des propriétés hydrophiles des nappes de laine cardée, elle a effleuré la matière avec son indigo, laissant la laine s’imprégner par capillarité, créant par les bains répétés des effets ombrés et dégradés. A d’autres moments elle a souhaité terminer les tissages de Meghan par une matière plus dense, en comprimant les fils et en les saturant de pigment. L’indigo devient palpable, il acquiert une nouvelle profondeur.

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Meghan s’est laissée porter par la texture et les reliefs si particuliers crées par les teintures d’Anaïs. Profitant des grands volumes de l’atelier et entourée par les créations d’Anaïs, elle a tissé un premier trio de pièces monumentales. L’indigo s’y exprime en enchevêtrements mêlants l’écru au bleu profond, rappelants les motifs dessinés par le sergé de la toile de Nîmes. Sur la seconde œuvre il se groupe en tâches puis va jusqu’à s’effacer totalement au profit de la fibre nue sur la troisième.

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S’inspirant des éléments décoratifs néo-classiques qu’elle observait dans Paris, Meghan a tressé les fils d’Anaïs en un lustre, imbriqué de lianes bleutées. Un clin d’œil à cette pièce ornementale bourgeoise par excellence, transformée en un mobile brut et organique.

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Photo Cedric Canezza

Nous remercions chaleureusement Anaïs Guery et Meghan Shimek de s’être pliées aux contraintes de cet exercice difficile, avec autant d’enthousiasme, de générosité et de talent. Nous remercions aussi La Villa Rose d’avoir si bien accueilli cette première collaboration.

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Les œuvres collaboratives sont visibles sur rendez-vous à Paris. Leurs prix peuvent vous être communiqués sur simple demande à hello@theartisans.fr.14993576_10109228814513554_868431354386581216_n

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Calendrier de l’Avent du désir

Un Objet du désir fabriqué par un artisan par jour, pendant 24 jours

  • 1er Décembre les assiettes de la céramiste Aurelie Dorard à offrir ou s’offrir ici
  • 2 Décembre les étoles en twill et satin de soie gaufré, teint à la main en indigo naturel par la talentueuse A.guery A trouver ici
  • 3 Décembre Le bougeoir en laiton 180°, crée par Klaxon Designers . Usiné numériquement, il garde un aspect brut et minimaliste et sa matière se patine avec le temps. Il peut contenir d’un côté une chandelle et de l’autre une bougie chauffe plat.
    Vous le trouverez chez Maison Godillot
  • 4 Décembre Une théière en céramique japonaise Moderato, pour prendre son temps. A trouver chez La Trésorerie
  • 5 Décembre Un plumier en liège des landes fabriqué artisanalement à Paris pour La Petite Papeterie Française

Les volutes bleues indigo d’Aboubakar Fofana

Nos expérimentations avec l’indigo ici et là nous avaient fait graviter autour d’Aboubakar Fofana. Son travail était devenu pour nous incontournable et son compte Instagram nous offrait chaque jour des démonstrations de plus en plus éclatantes de son savoir-faire subtil. Il restait cependant insaisissable, happé sans doute par les workshops qu’il dispensait d’Australie à la Californie, sans relâche.

Il en devenait quasi mythique et nous évoquions régulièrement son nom dans nos conversations enflammées autour de l’indigo, quitte à passer pour de véritables groupies. Nous nous devions d’arriver à rencontrer celui qui sillonnait le monde entier pour transmettre son art.

Rendez-vous fût finalement pris dans les sous sol du Marché Noir à Paris ou il faisait escale pour la présentation de l’exposition commune avec l’artisan teinturier japonais Tatz Miki et trois jours d’un atelier intense. Indigoflash3

Dans une atmosphère sereine et studieuse, vêtu de sa tenue de travail, crée par ses soins et déclinant toutes les teintes de l’indigo, chaussé de Jika Tabi traditionnelles en cuir teinté de bleu, Aboubakar Fofana préside la séance au milieu de cuves au contenu précieux.

Nous découvrons grâce à lui une nouvelle approche, plus lente et plus recueillie que celles que nous avions déjà pu expérimenter autour de l’indigo. Les cuves qu’il a préparées quelques jours avant sont prêtes. Une mousse bleutée légère et dense à leur surface  indique que la magie de l’indigo pourra enfin avoir lieu.

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Il trempe avec douceur les bandes de tissu et manipule lentement l’étoffe sous l’eau opaque entre ses doigts pour imprégner le textile. Tout se passe de façon cachée, à l’abri de la lumière et de l’air. Cette première bande est immédiatement plongée dans l’eau claire ; une offrande que nous faisons à la déesse de l’eau, pour qu’elle nous accorde un travail sous les meilleurs auspices. Il en résulte un bleu à peine présent, un souffle couleur de ciel voilé.

Aboubakar Fofana travaille une couleur vivante, née dans les brumes et la mousse d’une cuve aux reflets sombres et profonds. Il sait à merveille véhiculer la tradition indigotière séculaire d’Afrique de l’ouest, auprès d’un public composé de néophytes ou d’étudiants plus expérimentés, tous en quête de ce bleu mythique si difficile à saisir.

Aboubakar4Sa maitrise de cet art délicat est une facette essentielle de son travail qui comprend notamment la calligraphie, par l’entremise de laquelle il s’est passionné pour les pigments naturels. Son désir de porter la culture liée à l’indigo végétal, mis à mal par l’indigo synthétique depuis le XIXème, l’a conduit non seulement au partage de ses savoir-faire par le biais d’ateliers, mais aussi à la création d’une ferme située au Mali. Une plantation indigotière y est née car Aboubakar souhaitait relancer une filière de production d’indigo végétal écologique dans son pays natal. Il y associe du coton biologique et crée un atelier qui réunit des artisans autour de la teinture et du tissage.

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Aboubakar travaille la couleur et la matière, en véritable plasticien. Cherchant inlassablement son inspiration dans la nature, réalisant des objets uniques ou la teinte se pose parfois en un fil à fil subtil, qui n’est pas sans rappeler les pleins et les déliés sa calligraphie, il écrit une partition moderne qui n’appartient qu’à lui.

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Magie de ce bleu si précieux.

Images enchevêtrées de méharées guidées par les silhouettes aux reflets lapis, de blouses de travail rigides et lustrées par leur laminage, d’élégance ouvrière sous la grosse toile, d’orient et de beauté cachée. Un mythe, un fantasme.

Apprendre à le concocter, à le peaufiner.

Lauris, le village médiéval, perché, accroché à la falaise. Les jardins suspendus de Couleur Garance. Babylone en Lubéron. Découvrir les plantes rares ou si communes qui donneront aux étoffes et aux fils leurs teintes profondes. Faire chauffer des marmites d’où se dégagent des odeurs âcres. Voir le bouillon coloré mousser à la surface. Le garance explose, sang de bœuf sacrificiel, si beau sur la laine.

Mais pour l’indigo, pas de bouillon. Trop délicat, il ne se révèle pas si facilement. Il se cache sous une croute irisée, verte, presque décevante. C’est justement là que tout commence. Le sortir, l’aérer et voir se révéler le bleu. Recommencer à plonger l’étoffe, sans jamais remuer le mélange pour ne pas y faire rentrer l’air qui gâcherait tout, afin d’obtenir l’intensité désirée.

product_thumbIl ne sert à rien de laisser tremper longtemps, c’est la multiplication des bains, par couches successives qui intensifiera la teinte. Du pâle chambray au plus intense bleu de Nîmes, toute la gamme se déroule.

 


 » You ain’t been blue; no, no, no.
You ain’t been blue,
Till you’ve had that mood indigo. »


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