C’est grâce à Philipe Atienza, avec lequel elle a collaboré à la réalisation de souliers fantastiques pour la maison Massaro, que nous avons fait la connaissance d’une alchimiste. Laurence Le Constant ne transforme pas le plomb en or, mais donne vie à l’inanimé et du poids aux plumes dont elle pare ses chimères.
Elle a commencé sa carrière en exerçant des métiers fabuleux qui n’existaient que pour elle. Après des études la menant de la Sorbonne à la chambre syndicale de la couture, Laurence a rejoint les ateliers de la maison Dior ou elle a créée la fonction inédite de designer de paillettes. Patiemment elle a défini la forme de ses précieuses pépites, fait naitre des teintes surréelles en patinant et oxydant la matière. Comme dans un conte de Perrault, elle se retrouvera naturellement chargée de broder la robe couleur du temps d’une célèbre chanteuse québécoise, moderne peau d’âne.
Les entrelacs de son parcours mêlant intimement art et artisanat vont la conduire à expérimenter toujours plus loin. Sa maitrise technique assurée des métiers de brodeuse, plumassière et styliste vont permettre à son imaginaire fécond de s’exprimer dans des sculptures intenses et fascinantes, mais aussi sur des objets de mode d’un luxe irréel. Marcher sur des plumes, mettre des ailes à ses souliers.
La plume est sa matière créative de prédilection. Mais loin de se faire éthérée et immatérielle, la plume de Laurence Le Constant vient nous titiller dans les recoins les plus éloignés de notre inconscient. Sur des formes animales ou humaines, qu’elle a sculptées et recouvertes des feuilles arrachées à des livres anciens qu’elle a chinés, Laurence colle patiemment une à une ses plumes. Ainsi, sur la trame de l’histoire cachée de ces pages encollées aux squelettes de ses œuvres, nait une nouvelle narration.
Laurence se fait chamane et dans une transe créative, s’absorbe dans le passage d’un message, d’un souvenir, d’un ressenti qui remonte à sa conscience. Elle est fortement inspirée par les écrits de C.G. Jung portant sur l’élargissement de la conscience grâce à l’imagination active. Le décès de sa grand-mère adorée aura été un déclencheur essentiel dans son choix d’ouvrir son champ créatif. Elle qui l’avait toujours encouragée à poursuivre ses études artistiques, se place aussi de manière très subtile au cœur d’une inspiration ou l’on sent poindre l’ombre de la mort et la lumière du renouveau.
Elle se dit fascinée par l’univers du sculpteur David Altmejd et à la découverte du travail de dissection et de reconstruction produit par l’artiste montréalais on comprend la filiation. Mais aux créatures lycanthropes de ce dernier, ou la carcasse et le poil laissent apparaître la chair meurtrie, Laurence préfère une évocation plus sereine à laquelle la perfection graphique des plumes vient conférer une esthétique hypnotique.
Avec ses objets chimériques, transcendants des matières recyclées et organiques, la plumassière et artiste Laurence Le Constant élabore un reliquaire précieux, dans lequel l’esprit s’abime et se recueille.