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Laurence Leenaert, LRNCE

C’est le mois de Juin, et la fin du ramadan. Il est onze heures. La médina de Marrakech est vide, inerte. La chaleur abrutissante a étouffé la vie qui anime normalement les ruelles enchevêtrées de ce dédale. Après avoir cherché longtemps, et s’être perdues plusieurs fois, nous poussons enfin la lourde porte du Jardin, un restaurant ouvert par l’équipe du Café des Epices. Laurence Leenaert, nous attend, noyée dans une mer de zelliges émeraude. Droite sur sa chaise, elle s’évente, le regard sérieux, dans sa robe de soie ample, une de ses créations bleue indigo. Ce bleu Majorelle, et aussi celui des bédouins du désert.

A tout juste 24 ans, la force vive qu’exhale son regard intense, vient pondérer la fraicheur de son visage. Originaire de Gent, dans les Flandres belges, Laurence a eu un coup de foudre pour le Maroc et a décidé de s’y installer après ses études de mode, il y a deux ans. C’est un voyage dans le désert qui provoque le déclic. Elle loue désormais une petite maison dans la médina ou elle vit seule, et ne se déplace qu’en moto taxi. Détail qu’elle confie avec une pointe de malice.

Pour créer les collections de sa marque LRNCE, Laurence travaille avec des artisans locaux chevronnés et talentueux qui lui ont été présentés par ses contacts marocains. Elle dit qu’être une femme entrepreneuse ici n’est pas aussi difficile que l’on se l’imagine. Ses créations ré-interprètent l’esthétique et la symbolique berbère. Mais elles rappellent aussi parfois l’œuvre surréaliste de Mirò, ou Picasso – qui furent eux aussi influencés par les Arts Premiers. Des couleurs franches, des associations de géométriques, un ensemble qui évoque parfois aussi les dessins d’enfants. Couvertures tissées à la main et brodées, miroirs en rotin, robes amples, sandales, céramiques, Laurence se balade d’un objet à un autre, d’une matière et d’une technique artisanale à l’autre. Elle dit ne pas avoir de plans précis mais suit juste ses envies, son instinct. Elle donne l’impression que tout est possible. Et tout l’est en effet à son âge.

Questionnée sur ses influences, son univers artistique, elle balaye le sujet d’un revers d’éventail et nous dit qu’elle n’aime pas prendre tout cela trop au sérieux. Ses dessins sont les symboles de sa vie dit-elle, un peu comme les tatouages berbères qui ponctuent la vie des femmes d’ici. Des « doodles» qui suivent son parcours, ses humeurs. Ses propres balises cabalistiques, son propre langage.

Mais sous cette désinvolture apparente, Laurence dégage la détermination impressionnante d’une jeune femme lancée sur sa trajectoire. On parle d’elle dans le dernier Milk Déco, elle doit rencontrer Garance Doré juste après nous… Laurence maitrise aussi parfaitement bien l’image de sa marque et son compte Instagram, dont elle réalise elle même toutes les photos, rassemble aujourd’hui 24.000 abonnés. Elle y agence un univers graphique et chromique cohérent totalement cool et moderne.

Une créatrice à suivre d’urgence. Ses créations originales sont à découvrir sur le très beau site de LRNCE.

Edito #2 Fil Conducteur

Le 10 Novembre dernier nous avons présenté dans le cadre exceptionnel de La Villa Rose à Paris la première collaboration produite par The Artisans.

Elle a réuni l’artiste textile Meghan Shimek et la designer textile Anaïs Guery.

Un dialogue s’est établi entre les deux créatrices, un partage entre leurs univers artistiques guidé par les savoir-faire artisanaux qu’elles ont développés dans leur pratique; le tissage pour Meghan, la teinture à l’indigo végétal pour Anaïs, qui leur ont permis de créer un langage commun. Les savoir-faire comme fil conducteur, trame expressive d’une créativité orientée autour de la fibre. Six œuvres individuelles sont nées.

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Anaïs, habituée dans son travail de designer textile à travailler un fil transformé par le tissage ou le tricot, a expérimenté sur la matière brute des brins de laine cardée utilisée par Meghan. Inspirée par l’aspect vierge et duveteux du fil, elle a souhaité conserver le gonflant de la fibre dans le processus de teinture en lui imposant un minimum de manipulations.

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Travaillant autour des propriétés hydrophiles des nappes de laine cardée, elle a effleuré la matière avec son indigo, laissant la laine s’imprégner par capillarité, créant par les bains répétés des effets ombrés et dégradés. A d’autres moments elle a souhaité terminer les tissages de Meghan par une matière plus dense, en comprimant les fils et en les saturant de pigment. L’indigo devient palpable, il acquiert une nouvelle profondeur.

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Meghan s’est laissée porter par la texture et les reliefs si particuliers crées par les teintures d’Anaïs. Profitant des grands volumes de l’atelier et entourée par les créations d’Anaïs, elle a tissé un premier trio de pièces monumentales. L’indigo s’y exprime en enchevêtrements mêlants l’écru au bleu profond, rappelants les motifs dessinés par le sergé de la toile de Nîmes. Sur la seconde œuvre il se groupe en tâches puis va jusqu’à s’effacer totalement au profit de la fibre nue sur la troisième.

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S’inspirant des éléments décoratifs néo-classiques qu’elle observait dans Paris, Meghan a tressé les fils d’Anaïs en un lustre, imbriqué de lianes bleutées. Un clin d’œil à cette pièce ornementale bourgeoise par excellence, transformée en un mobile brut et organique.

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Photo Cedric Canezza

Nous remercions chaleureusement Anaïs Guery et Meghan Shimek de s’être pliées aux contraintes de cet exercice difficile, avec autant d’enthousiasme, de générosité et de talent. Nous remercions aussi La Villa Rose d’avoir si bien accueilli cette première collaboration.

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Les œuvres collaboratives sont visibles sur rendez-vous à Paris. Leurs prix peuvent vous être communiqués sur simple demande à hello@theartisans.fr.14993576_10109228814513554_868431354386581216_n

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